(…) It procures an intense experience of total immersion into thousands of texts about fashion. In lines dating from the last three centuries, isolated, superposed, big or little, legible or illegible, and endlessly entangled in an immense web, the fashion machine unravels itself under your feet, with its rhythms and dreams. An infinite ribbon, an « infinite piece of clothing » (Barthes) can be read in a flash. What a strange feeling is conveyed by this textual looking-glass, which looks out onto the looking-glass of the river Seine, and plays with its greys, its whites, and its dimensions, in the shadowy light of day and the whitened track of night.
For in these lines of fabric, multiplied ad infinitum by algorithms of proliferation, each fragment, however minuscule, becomes the microcosm of a dream: that of a transitory moment in constant modulation, the artificial fabrication of something beautiful, which « denies beauty » (Baudelaire). And from Balzac to Gautier, Baudelaire, Proust, Morand, or Barthes, within all these floating lines, « the fabrics speak a silent language ». You are free to dawdle or hurry, to decipher a fragment or lose your way in the infinite distance of the ribbon. Here the spectator makes the work, from out of all the fluxes of images, between reality and fiction.
Hence, as in all the works of Pascal Dombis, repetition does not exclude excess or chance, nor even the immoderation of a multiple vision. I remember another installation printed on the ground, « the passage » of the Palais-Royal, and an exhibition of his spiral-pictures which float and move in their own aura of light. Time, always time. Not the linear time of chronology, but that of art rolling and unrolling upon itself. So much so that this aesthetics of temporal interstices has made possible the creation of the Passage de la Mode, its fascination and its being which return with every season. A time always recovered and always different, which ends up by punctuating our lives, and whose virtuality -its conception, its capture and its implementation- is an immense metaphor. Fixed to the ground, it is at one and the same time an instant and a fluid modulation, in a state of becoming and forever new: the very image of fashion in its « aptitude to seize the diverse » according to the wishes of Victor Segalen. The diverse of a pluralized subjectivity made up of multiple strata, passages and mutations. (…)
Christine Buci-Glucksmann, Fashion Passage/ Passing Fashions, 2015 More [+] >
Translation: Jonathan Pollock
(…) Une expérience intense d’immersion totale dans ces milliers de textes concernant la mode. Grâce à ces lignes sélectionnées sur trois siècles, détachées, superposées, en petit ou en grand, lisibles ou illisibles, et toujours prises dans leurs immenses trames, la machine de la mode se déroule sous vos pas, avec ses rythmes et ses rêves. Un ruban sans fin, un « vêtement sans fin » (Barthes) peut-on lire en un éclair. Etrange sensation, ce miroir de lectures qui s’ouvre sur le miroir de la Seine, et se joue de ses grisés, de ses blancs et de ses échelles, dans la lumière d’ombre du jour et le tracé blanchi de la nuit.
Car dans ces lignes-tissus, démultipliées à l’infini grâce aux algorithmes de prolifération, chaque fragment, si minuscule fût-il, devient un microcosme de rêve. Celui d‘un temps éphémère qui se module toujours, dans l’artifice d’une fabrication du beau, qui « dénie la beauté » (Baudelaire). Et de Balzac à Gautier, Baudelaire, Proust, Morand, ou Barthes, dans toutes ces lignes flottantes, « les étoffes parlent une langue muette ». Libre à vous de flâner ou d’accélérer, de décrypter un fragment ou de vous perdre au loin dans l’infini du ruban. Ici le spectateur fait l’œuvre, à travers toutes les images-flux, entre réalité et fiction.
Aussi, comme dans tout le travail de Pascal Dombis, la répétition n’exclut ni l’excès ni l’aléatoire, ni même la démesure d’une vision plurielle. Je me souviens d’une autre installation imprimée au sol, « le passage » du Palais-Royal, et d’une exposition de ses tableaux-spirales qui flottent et bougent dans leur propre aura de lumière. Le Temps, toujours le temps. Non pas celui linéaire des chronologies, mais celui de l’art enroulé et déroulé sur lui-même. Si bien que cette esthétique des interstices du temps permet de créer ce Passage de la Mode, sa fascination et son être qui revient à chaque saison. Un temps toujours retrouvé et toujours altéré, qui finit par rythmer nos vies et dont le virtuel -sa conception, sa captation et sa mise en œuvre- est une immense métaphore. Car fixé au sol, il est tout à la fois instant et modulation fluide, devenir et toujours nouveau : l’image même de la mode en son « aptitude à saisir le divers » comme le voulait Segalen. Le divers d’une subjectivité plurielle faite de multiples strates, de passages et de mutations. (…)
Christine Buci-Glucksmann, Le Passage de la Mode, 2015 Plus [+] >