Entretien avec Henri-François Debailleux (2018)

A vos débuts, vous avez pratiqué la peinture puis, en 1990, vous commencez avec les technologies numériques. Comment est venue cette évolution?

Je réalisais des peintures influencées par les Combine Paintings de Rauschenberg et les Shaped Canvas de Stella, et j’utilisais la technique de la gravure que je mélangeais à la peinture. J’avais donc déjà ce rapport à un medium intermédiaire avec l’utilisation des plaques qu’on grave et qu’on enduit d’encre. A ce moment-là, au tout début des années 90, je travaillais beaucoup sur la forme de la spirale. C’est à cette même époque que j’ai eu accès aux premières imprimantes numériques et j’ai eu envie d’essayer de faire des spirales avec cette nouvelle technique et de voir comment je pouvais en programmer au lieu de la dessiner à la main. Il n’y avait pas Internet à l’époque, mais un jour j’ai découvert un livre qui expliquait comment on pouvait la programmer, que c’était très simple, qu’il s’agissait d’une fractale simplifiée. Je n’étais pas un spécialiste de la programmation, mais j’en connaissais le b-a-ba. Je me suis lancé, c’était effectivement assez facile et je me suis mis à programmer ma spirale. Le terme de « fractale simplifiée » m’était resté en tête et un jour, je me suis demandé ce qui se passerait si je ne la simplifiais pas. Autrement dit, si au lieu de tracer chaque fois un seul segment de droite qui, répété en rotation, va donner une spirale, j’en ajoutais deux ou trois segments. Et là, cela a été un vrai choc de voir qu’à partir d’un programme extrêmement simple –deux ou trois lignes de code–  on  obtenait un univers couvrant la quasi-totalité des sensations visuelles, de l’organique au géométrique, à l’architectural, au topographique et ce, en faisant simplement une petite variation. Cela m’a paru être comme le code de la création du monde, car il y avait là un côté prométhéen. En plus, lorsqu’on écrit l’algorithme, on ne peut pas savoir ce que cela va donner. Je me sentais à l’étroit dans ma pratique de la peinture, cela m’a ouvert une voie bien plus en adéquation avec notre monde en transformations.

 

Au milieu des années 90 et jusqu’au début des années 2000, vous avez fait partie du mouvement du Fractalisme. Où en êtes-vous aujourd’hui avec les fractals ?

Je continue encore à travailler avec cette géométrie. La plupart de mes pièces algorithmiques et notamment les œuvres textuelles sont créées à partir d’un algorithme fractal. Cela me permet de jouer sur la répétition à différentes échelles, c’est-à-dire d’avoir aussi bien de très petits caractères que de très grands, et de générer des arborescences qui produisent des jeux de sens qui s’imbriquent et se complexifient. Donc oui, le fractal m’intéresse encore aujourd’hui mais en tant qu’outil et non plus en tant que mouvement. Quand il a démarré, celui-ci correspondait à une époque précise, le milieu des années 90, c’était avant l’Internet, une période – je dirais presque – de transition, où l’on était encore imprégné de textes passionnants qui parlaient du fractal comme Mille Plateaux de Deleuze et Guattari ou bien La Transparence du Mal de Baudrillard. Sur un plan artistique, il y avait un manque d’images visuelles correspondant à ce monde qui était en train de se mettre en place et c’est là que le Fractal a joué un rôle important.

 

Pourquoi avez-vous commencé uniquement avec la ligne ?

Parce qu’elle est ce qu’il y a de plus simple à programmer ! Dès que l’on fait entrer d’autres éléments, du texte par exemple, comme je le fais beaucoup actuellement, on obtient des niveaux de complexité supplémentaires que je ne maîtrisais pas à l’époque. Or justement je voulais parfaitement contrôler ce que je pouvais et ce que je voulais en faire, aussi bien d’un point de vue conceptuel que d’un point de vue visuel. Ensuite, j’ai pu évoluer progressivement, j’ai mieux maîtrisé ce nouvel outil, ce qui m’a permis de m’intéresser aux notions d’accidents, d’imprévisibilités, de surprises, de perspectives, de multiples niveaux de lecture. C’est ce qui m’a donné la liberté ensuite d’introduire d’autres paramètres comme des textes ou des images.

 

Cette ligne, vous l’avez étirée dans tous les sens, vous semblez l’avoir éprouvée au maximum, en avoir exploité toutes les possibilités et variations… Que vous a-t-elle apporté ?

Elle m’a permis de comprendre beaucoup de choses (rires). Car une ligne, ce n’est pas qu’une ligne. C’est toute une histoire. C’est même peut-être l’histoire de l’humanité. Les Aborigènes australiens considèrent que l’histoire de la création du monde peut être racontée par une ligne et ils utilisent le même mot pour parler de la ligne et du territoire. La ligne, c’est aussi le Clinamen de Lucrèce, toute la philosophie épicurienne qui explique l’origine du monde par la légère déviation de la ligne de chute des atomes qui vont alors s’entrechoquer et ainsi créer le monde réel. En résumé, la ligne crée la réalité. Plastiquement elle est un outil très intéressant parce qu’on peut transformer une ligne courbe en droite en l’étirant excessivement et c’est un jeu que j’ai beaucoup pratiqué et que je continue encore. Et la courbe, là encore, c’est par exemple toute l’histoire du baroque dans la civilisation occidentale. Elle raconte elle aussi une multitude de choses.

 

Comment êtes-vous passé, dans un second temps, aux mots ?

Je suis passé aux mots parce j’avais envie de mélanger de la géométrie, des textes et des images, de réaliser des œuvres combinant ces différentes données, et les technologies numériques le permettaient facilement. De par leur nature, mots et textes apportent évidemment leur propre sémantique à la compréhension. Mais il m’a fallu plus de temps qu’avec la ligne pour développer un travail artistique; l’utilisation de mots ou de textes en art est un territoire déjà bien balisé, on pense par exemple aux lettristes ou encore à Ed Ruscha. Donc j’y suis allé très progressivement. Et le fait de travailler sur William Burroughs a été déterminant et m’a encouragé à continuer dans cette voie.

 

De quelle façon ?

D’une certaine manière le travail de Burroughs sur le Cut-Up (qu’il a développé avec l’artiste Brion Gysin) et son rapport visuel au langage ont généré de nouveaux aspects de mon travail. Burroughs est un écrivain, mais il est aussi le plus visuel des auteurs de la Beat Generation. Il a un rapport très plastique aux mots et au langage. Et il a une vision politique du langage. Comment lutter contre le langage, couper la page pour que les mots s’évadent, couper le présent pour que le futur apparaisse. Le Cut-Up – écrire linéairement un texte, en couper des parties et les réassembler ce qui donne un autre texte – est une technique qui rejoignait ma propre expérience algorithmique et informatique. Si j’utilise les technologies numériques, ce n’est pas pour les célébrer. Je m’en sers comme d’outils, mais dans une démarche critique. J’ai trouvé chez Burroughs cette même approche critique par rapport au langage et cette même façon d’utiliser le hasard, avec un mélange de contrôle et de non-contrôle pour libérer, créer passivement, un nouveau langage. C’est exactement ce que je fais, c’est à dire que dans mon processus de travail il y a certaines choses que je contrôle et d’autres, non. L’idée est de glisser de l’aléatoire dans du langage pour créer un autre langage qui va se confronter aux structures de contrôle des sociétés qui nous environnent. Et je trouve que les écrits de Burroughs sont en pleine résonnance avec notre époque. A ses débuts, Internet avait été accueilli comme une opportunité unique de pouvoir changer le monde. Et maintenant, il a tendance à se transformer en une vaste infrastructure de surveillance de masse dans laquelle nous sommes tous observés et contrôlés. Ainsi, on est passé d’une vision utopique capable de changer le monde à un système de contrôle proche de ceux évoqués par Burroughs.

 

Concrètement, comment procédez-vous dans votre démarche ?

C’est assez complexe à décrire parce que la forme de l’œuvre que l’on voit à l’arrivée n’est pas pensée au départ. La forme est un résultat. En fait je travaille sur un processus qui va générer un maximum d’accidents à partir d’un nombre volontairement excessif d’éléments, cela peut être des textes ou des images. Au départ, j’écris un petit programme en quelques lignes dans lequel je place des instructions, par exemple : prendre le texte de Burroughs et le faire se reproduire, je peux aussi continuer en variant la taille, en rentrant de l’aléatoire, en lui faisant faire des bonds, en lui imposant des rotations. En somme, je rentre le texte dans mon programme, je lui fais subir des modifications et je regarde ce qui surgit. Je travaille ainsi de manière itérative jusqu’à ce qu’apparaissent des images qui m’inspirent. Je peux alors les mettre de côté et les reprendre ensuite. C’est la raison pour laquelle le cheminement est compliqué parce que je les réutilise à l’excès, je suis dans un processus assez lent, je garde, je recycle, je combine. Je peux par exemple trouver un élément assez anodin qui tout d’un coup va générer une sensation. C’est quelquefois une petite erreur ou une association inattendue que j’aurais très bien pu laisser passer, mais qui va susciter l’attention, l’image juste, celle qu’à la fin je vais retenir.

 

Qu’en est-il des spams avec lesquels vous aimez travailler ?

C’est effectivement un vrai sujet et cela fait une dizaine d’années que je les utilise. Ils correspondent à ce flux que l’on reçoit quotidiennement dans nos boîtes email, qui vont généralement directement à la poubelle mais que, moi, je conserve. Les spams m’intéressent parce qu’ils constituent environ 90% du trafic email et qu’ils sont composés par des robots qui essaient de se faire passer pour des êtres humains justement pour que le message arrive dans nos boîtes à lettres, et pas directement dans nos poubelles. Ces robots utilisent toute une série de subterfuges techniques pour se faire passer pour des humains et ce qui m’interpelle, c’est qu’elle rappelle celle des avant-gardes historiques et de l’écriture expérimentale. Par exemple, le fait de changer ou d’intervertir des lettres, d’être très graphique, de jouer avec les majuscules et les minuscules, comme le faisaient Alfred Jarry, Marcel Duchamp et les lettristes. Ou bien de faire des fautes d’orthographe ou du Cut-Up. Tout cela pour que d’autres robots, les anti-spams, se disent que ce n’est pas une machine qui a écrit, mais un être humain. C’est le combat quotidien entre l’Homme et la machine qui essaie de se faire passer pour un humain, et tout cela produit des contrefaçons, des faux médicaments, des fausses rumeurs, de vraies arnaques. C’est pour moi très représentatif de ce qu’est notre monde de flux actuel.

 

Le principe du flux occupe d’ailleurs une place prépondérante dans votre travail. A quoi correspond-il ?

Pour moi, le flux, c’est la transformation dynamique et temporelle de l’excès de données et d’informations. J’utilise la transformation de ce big data en flux pour créer des formes instables et dynamiques. Prenons les images Google, j’en collecte des centaines de milliers que j’utilise comme n’importe quel autre matériau pour créer un mouvement, un flux, et que des formes apparaissent. Ce qui me motive là, c’est la relation qui existe entre toutes ces images, la méta-image qu’elles créent ou la méta-histoire qu’elles peuvent raconter et générer. Mais aussi comment ce flux d’images interroge notre relation avec les images et comment Internet génère une profusion d’images que nous regardons de moins en moins.

 

Il y a toujours dans vos œuvres un effet d’optique important. Vous revendiquez d’ailleurs les effets visuels, les jeux de regard, la multiplication des perspectives. Comment vous positionnez-vous par rapport à l’Op Art ?

Au premier regard, on pourrait penser que j’utilise les mêmes moyens, que les effets optiques sont comparables et que l’on peut les retrouver chez Julio Le Parc ou Carlos Cruz-Diez par exemple. Mais en réalité ma démarche est très différente. D’ailleurs, tout en admirant le travail de ces deux artistes, mes références sur cette période seraient plutôt du côté de Sol LeWitt et d’Yves Klein. Si je joue avec les déplacements du spectateur, si j’interroge les possibilités de regard et les perspectives possibles, c’est pour lui faire ressentir que, comme disait Burroughs,« Rien n’est vrai. Tout est possible », qu’il y a une multiplicité de niveaux de lecture, des incohérences, et le fait que le mot right peut devenir wrong, que la ligne droite peut devenir courbe. Quand j’utilise des matériaux optiques comme le lenticulaire, ce n’est pas en référence à l’Op Art, mais parce qu’ils me permettent de jouer avec la manière dont on regarde les images et de questionner la nature même des images, au sens large du terme, une ligne ou un mot pouvant être une image. Comment en effet aborder notre rapport aux images à l’époque de leur prolifération sur Internet ?

 

Justement, que vous apporte le lenticulaire ?

C’est un de mes matériaux préférés, et cela depuis le début des années 2000 car il me permet d’empiler un grand nombre d’images et de créer une surface pleine d’effets visuels inattendus. En employant beaucoup plus d’informations que nécessaire, je maximise les conditions pour les accidents visuels et crée des espaces pour le flou, le tremblement ou le hasard que j’aime confronter avec le processus numérique froid et presque trop parfait. Le lenticulaire me permet également de jouer avec le regard du spectateur. En fonction de sa position, l’expérience visuelle n’est jamais la même. Faire une lecture des images numériques n’a plus rien à voir avec la lecture rétinienne. Les images circulent continuellement, et notre regard devient de plus en plus dynamique, il n’y a plus de distance entre nous et ce que nous voyons, les images numériques nous submergent et nous entourent, nous nous y engouffrons. Ce nouveau paradigme de lecture des images, associé à l’utilisation du lenticulaire, oblige le spectateur à faire une expérience physique de la temporalité : s’il ne bouge pas, il n’aura pas accès à la perception visuelle.

 

Vous évoquez Yves Klein. Votre travail ne tend-il pas justement de plus en plus vers le monochrome ?

J’ai cité Yves Klein car quand on dit monochromie, c’est effectivement un des noms qui vient tout de suite à l’esprit, sans doute parce que chez cet artiste – outre le vrai plaisir visuel – la monochromie atteint une dimension – disons – philosophique. En ce qui me concerne, le monochrome me permet d’aller à l’essence même. C’est un peu comme avec la ligne, je reviens à l’essence même de mon processus créatif. Plus l’élément de départ est simple, et plus je peux le pousser à l’excès pour obtenir un maximum de surprises. Et quoi de plus simple qu’une surface monochrome ?

 

Comment travaillez-vous cette monochromie ?

Il s’agit en fait d’un flicker, c’est-à-dire d’un principe de scintillement, de clignement, de clignotement. Par exemple, mes monochromes bleus sont le résultat d’un flicker avec les 3 couleurs : blanc, noir et bleu. Et la répétition excessive de séquences à base de ces 3 couleurs ne va pas donner à voir un bleu, un blanc, ou un noir, mais toute une gamme incontrôlable de couleurs qui, à leur tour, produisent des « formes » inattendues bleues. Lorsqu’on voit un motif bleu dans certaines de mes œuvres, il n’est pas programmé, il résulte d’une pratique accidentelle provoquée mais qui reste accidentelle. En fait, je développe des systèmes hypnotiques qui produisent différents environnements sensationnels, du vertige à l’allégresse. Le flicker est une technique classique de la modernité, c’est celle utilisée par exemple dans la Dream Machine de Brion Gysin ou dans les Flicker Films de Paul Sharits. Cette technique est basée sur le principe d’une opposition très simple qui, lorsqu’elle est poussée de manière excessive à ce que l’on pourrait décrire comme son paroxysme, ouvre des nouveaux champs de perception. En résumé le monochrome me permet de mener ma recherche le plus loin possible, d’utiliser le matériau jusqu’à saturation, et de pousser mon processus de travail jusqu’à une sorte d’épuisement.

 

Vous faites aussi bien des œuvres en noir et blanc que d’autres en couleur. Quel est votre rapport à la couleur ?

La couleur est comme une sorte de peau qui viendrait recouvrir mon processus algorithmique qui lui est conçu en noir et blanc. Cette surcouche de couleur me permet d’obtenir beaucoup plus de complexité, de profondeur et aussi d’émotion. Mon rapport à la couleur repose sur l’artificialité, artificialité des univers numériques mais aussi artificialité des couleurs techniques que j’emploie et qui sont issues pour la plupart du goudron, le goudron bien noir étant à l’origine de colorants chimiques apparus au 19ème siècle.

 

Qu’est-ce qui vous a conduit, depuis quelques années, à travailler régulièrement dans l’espace public ?

A un moment, on ressent le besoin de sortir de l’atelier et on a envie de se confronter au public qui d’ailleurs ne va peut-être pas faire attention à l’œuvre, mais justement c’est ce qui se passe ou qui ne se passe pas qui est intéressant. Par exemple, quand j’ai réalisé Text(e)~Fil(e)s au Palais-Royal à Paris en 2010, j’ai créé un ruban de 200 m de long dont la largeur correspondait à la moitié de celle de la Galerie de manière à laisser le choix aux visiteurs de marcher ou de ne pas marcher sur l’œuvre. Cela a été assez fascinant et amusant de voir la réaction des passants, certains faisaient très attention de ne pas marcher sur le ruban et lisaient attentivement tous les textes, alors que d’autres en vélo ou en roller se déplaçaient exprès dessus parce que c’était plus confortable !

Cela relève aussi de la confrontation avec toute une série de contraintes – les contraintes budgétaires, le génie du lieu, les habitudes des résidents, les normes de sécurité… ce qui permet de rebondir, de trouver de nouvelles idées, de nouveaux matériaux que je réutilise ensuite dans mon travail d’atelier. Pour la pièce extérieure de l’École d’architecture de Strasbourg en 2016, j’ai travaillé avec un fabricant de verre, dont les différents procédés industriels m’ont ensuite inspiré d’autres œuvres. Un accident, lors de la pose d’un des panneaux de verre, m’a permis de développer un travail sur la craquelure: je travaille, depuis, avec plusieurs couches de verre dont j’en brise certaines. Le verre avec sa transparence est un matériau atemporel et la craquelure opère alors comme une cristallisation involontaire du temps.

 

A l’extérieur vous utilisez d’ailleurs beaucoup le verre. Pourquoi avez-vous choisi ce matériau ?

D’une part, j’aime beaucoup le verre qui est une matière noble et durable. J’ai appris à maîtriser aujourd’hui l’utilisation des encres céramiques, les mêmes que l’on trouve sur les vitraux des cathédrales et qui ont une durée de vie de plusieurs centaines d’années, ce qui est important pour la pérennité des œuvres dans l’espace public.

D’autre part, et peut-être plus encore que sa longévité, le verre est un matériau fascinant et inspirant que j’adore travailler. Suivant l’inclinaison du soleil, il joue avec les couleurs et les lumières. Par exemple, Irrational Geometrics, la pièce en verre que j’ai installé avec l’architecte Gil Percal sur une esplanade à Perth en Australie en 2016, reflète la ville contemporaine, accompagne aussi le flux des passants, des vélos, des véhicules, tout en faisant écho aux songlines des Aborigènes. Rien de mieux pour contextualiser une œuvre !

 

Si quelqu’un qui ne connait pas votre travail vous demande ce que vous faîtes, vous lui répondez quoi?

Je dirais que tout mon travail est une question sur notre rapport au temps. Le temps réel des machines numériques, avec leur pure présence et leur immédiateté, est en train de transformer notre futur, mais aussi notre passé. Pour moi, le véritable enjeu n’est pas le remplacement improbable des hommes par les machines, mais plus concrètement, la transformation du temps des hommes par celui des machines numériques. Et je crois que c’est un des rôles des artistes, aujourd’hui, que d’interroger ce bouleversement. Après tout, le temps est une forme d’espace. Burroughs disait quant à lui Image is Time. L’Homme en effet a créé des images bien avant d’inventer l’écriture, et les abondantes images contemporaines sont antérieures aux caractères des codes du langage informatique. C’est à nous, artistes, de hacker le temps imposé par les systèmes numériques, les robots et l’intelligence artificielle ! Et, je trouve toujours plus excitant d’interroger notre monde, aussi bien ses enjeux, son potentiel, ses dangers, en utilisant les outils qu’il a lui-même créés.